Lettre ouverte aux parents sur les abus sexuels dans le sport.
Karyn Kennedy répond au rapport d’enquête de la CBC sur l’abus sexuel d’enfants dans le sport amateur.
En tant que thérapeute et professionnelle qualifiée qui travaille dans le domaine de l’abus et du traumatisme des enfants depuis plus de 35 ans, j’ai été attristée mais pas étonnée lorsque j’ai entendu les chiffres. Un rapport d’enquête publié en début de semaine par la CBC a révélé des chiffres stupéfiants concernant les abus sexuels sur des enfants dans le sport amateur. L’examen de centaines de documents judiciaires remontant à 20 ans a révélé que plus de 220 entraîneurs ont été condamnés et que plus de 600 enfants ont été victimes d’abus sexuels au Canada. Ces chiffres sont tragiques et ne sont probablement que la pointe de l’iceberg.
Les reportages de cette semaine ont mis l’accent sur l’omniprésence des abus sexuels dans le sport, sur l’absence de surveillance coordonnée aux niveaux provincial et fédéral et sur les lacunes administratives. Tous ces facteurs sont importants et doivent être pris en compte pour assurer la sécurité des enfants, mais je ne pense pas qu’il s’agisse uniquement du sport. Il s’agit en fait d’une histoire qui concerne tous les enfants. Bien qu’elle mette l’accent sur les athlètes amateurs et leurs familles, cette histoire porte sur la vulnérabilité des enfants partout dans le monde.
Je n’ai pas l’intention de tirer la sonnette d’alarme et de semer la panique chez les parents et les soignants. Je ne cherche pas à susciter la peur. Mon intention est de partager ce que je crois être des renseignements utiles et des conseils pratiques pour les parents, les entraîneurs, les bénévoles – toute personne qui travaille actuellement avec des enfants, s’en occupe ou s’en préoccupe. N’importe où.
En fait, la prévention la plus efficace des abus envers les enfants ne commence pas par une politique ou un contrôle de police, mais par une communication saine entre parents et enfants.
Amorcée dès le plus jeune âge, une communication saine et continue montre aux enfants qu’ils peuvent venir vous voir en cas de problème ou d’inquiétude et que vous les écouterez. Les recherches révèlent que la peur de ne pas être cru est un obstacle courant qui empêche les enfants de révéler les abus. Le fait d’avoir fait la preuve de votre capacité à écouter et à aider vos enfants à résoudre leurs problèmes dès leur plus jeune âge constitue une bonne base de confiance pour l’avenir. Un dialogue ouvert sur le corps, une sexualité saine, les limites personnelles et le consentement aide les enfants et les adolescents à prendre des décisions personnelles sur ce qui leur convient. Il offre aussi l’occasion d’une discussion saine qui contribue à éliminer la stigmatisation et la gêne parfois associées à ces sujets. Si la première fois qu’un enfant doit vous parler de son corps, de son sexe ou de sa sexualité, c’est pour vous parler de quelque chose qui le met mal à l’aise, imaginez le défi qu’il doit relever.
Les messages que nous transmettons à nos enfants sur le toucher constituent un autre facteur de protection. Nous devons leur apprendre qu’il existe différents types de toucher et que, parfois, les gens touchent les autres d’une manière qui n’est pas acceptable. Donnez à vos enfants les moyens d’agir en leur assurant que ce sont eux qui décident du type de contacts souhaité et de ce qu’ils ressentent. Une partie de cette responsabilisation consiste à soutenir les décisions des enfants. Par exemple, si votre enfant vous dit que le fait de faire des baisers d’adieu aux membres de la famille élargie le met mal à l’aise, assurez-lui que sa décision sera respectée. Aidez-le à gérer le moment potentiellement gênant à la porte en disant « Lisa préfère les “tape m’en cinq” pour dire au revoir » et adoptez ce comportement. Faites savoir à vos enfants que s’ils se sentent mal à l’aise, ils peuvent toujours dire « non » et vous le dire, à vous ou à un autre adulte de confiance. Reconnaissez qu’il peut être trop effrayant de dire non et que ce n’est pas grave – dites-lui de parler de ce qui s’est passé à un adulte en qui il a confiance, même si vous ne pouviez pas dire « non » sur le coup. Surtout, assurez-vous qu’ils comprennent que les attouchements ne doivent jamais être gardés secrets – on peut parler de tous les attouchements.
Les conversations sur la façon d’obtenir de l’aide peuvent également renforcer l’autonomie des enfants. Dites à vos enfants qu’ils peuvent venir vous voir pour tout type de problème, mais que vous ne serez pas blessé s’ils parlent à quelqu’un d’autre. Parfois, les enfants sont embarrassés par une situation et ne veulent pas en parler à leurs parents. Ils peuvent aussi avoir peur de vous rendre triste et vouloir vous protéger. Dites-leur que même si vous espérez qu’ils s’adressent à vous, ils peuvent très bien aussi demander de l’aide à un autre adulte en qui ils ont confiance. Aidez-les à trouver ces adultes.
N’oubliez pas qu’une seule discussion ne suffit pas. Les enfants apprennent mieux par la répétition et le renforcement. Gardez les lignes de communication ouvertes et assurez-vous d’écouter. Parlez à vos enfants tous les jours de ce qui se passe dans leur vie (par exemple, l’école, les amis, les activités). Essayez d’écouter leurs histoires sans porter de jugement, faire de commentaires ou proposer des solutions, jusqu’à ce qu’ils vous le demandent. Cela renforcera votre relation.
Outre la confiance, la communication et les plans d’aide que nous établissons avec nos enfants, nous, en tant que parents, devons également savoir que les adultes à qui nous confions nos enfants chaque semaine ont les connaissances et la formation nécessaires pour assurer leur sécurité. Il est essentiel que les adultes de tout organisme de services à l’enfance soient formés pour repérer les signes de maltraitance, documenter leurs préoccupations et, surtout, comprendre et s’engager à respecter leur obligation morale et légale de signaler tout soupçon de maltraitance aux autorités. Lorsque vous inscrivez vos enfants à des activités, demandez à l’organisme quelle est sa politique en matière de signalement, quelle est la formation de son personnel et quel sera le niveau de supervision. Un bon entraîneur ou un bon organisme sera heureux de vous fournir ces renseignements.
En fait, il n’y a pas de solution miracle ou de solution facile pour prévenir les abus envers les enfants. Cela demande du temps, de la patience et parfois de sortir de sa zone de confort.
Si vous voulez en savoir plus sur la maltraitance des enfants, votre devoir de signaler tout soupçon de maltraitance et la manière dont nous pouvons assurer la sécurité des enfants, veuillez consulter le site www.boostforkids.org.
Karyn Kennedy, ancienne Présidente et Directrice générale
Centre d’appui aux enfants et à la jeunesse Boost
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